Par Anas Abdoun

anas abdounLe Hamas a largement gagné les élections palestiniennes en 2006 pour deux principales raisons. La première raison était l’étendue importante de la corruption chez les adversaires du Fatah et la seconde étant l’image de la résistance contre l’occupation israélienne qui collait au mouvement.
Le Hamas s’est précipité dans la crise qui est la sienne tout d’abord du fait du changement géopolitique au Moyen-Orient. La première puissance alliée du mouvement palestinien était la république islamique d’Iran. En effet, l’Iran sous Ahmadinejad soutenait le Hamas financièrement, logistiquement -avec l’acheminement des armes- et diplomatiquement avec la reconnaissance de la légitimité du Hamas comme représentant de la Palestine du fait de la victoire des dernières élections organisés.
L’Iran assurait un financement important au Hamas et à la bande de Gaza, privé des fonds alloué à la Palestine par les États-Unis et l’Union Européenne, qui eux estimaient que les palestiniens avait fait un mauvais choix électoral.
En plus du financement important de l’Iran, le leader du Hamas, Khaled Mechal, déclaré objectif militaire par Israël, était réfugié en Syrie, ce qui donnait avec le soutien de Bachar Al-Assad une légitimité régional plus importante à ce mouvement.
Enfin, au lendemain de la révolution Égyptienne, et l’arrivée au pouvoir des frères musulmans, la diplomatie égyptienne a totalement changé à l’égard du Hamas, le blocus égyptien a été levé, l’aide internationale ainsi que les matériaux de construction dont manquait cruellement le bande de Gaza était acheminé très rapidement.

ISOLEMENT DIPLOMATIQUE

Tandis que les puissances occidentales pensaient à inclure à nouveau le Hamas à la table des négociations du fait de l’influence grandissante du mouvement, le changement géopolitique du Moyen-Orient a précipité le mouvement dans un isolement diplomatique sans précédent.
Le premier coup dur pour le Hamas a été naturellement le coup d’état militaire de l’armée, faisant de l’Égypte une dictature militaire dont le Maréchal Al-sissi est à la tête. Dès l’arrivée au pouvoir des militaires la répression à l’égard des frères musulmans a été terrible, ainsi que tous les mouvements idéologiquement affiliés comme le Hamas. Ainsi, le blocus a été de nouveau mis en place, et le Hamas a été déclaré organisation terroriste par l’Égypte.
De plus, la direction du Hamas, après une longue hésitation s’est distancé de Bachar Al-Assad après le début de a guerre civile; ce qui a poussé les cadres du Hamas a quitter Damas pour rejoindre Doha. Or, le Qatar, lui même du fait de son soutien actif aux frères musulmans et au Hamas a subit la foudre diplomatique de l’Arabie-Saoudite qui utilisait son influence sur le CCG (Conseil coopération du Golf) pour menacer de sanctions importantes le petit émirat. Le règlement de la crise, s’est soldé pour le Hamas par un soutien moins accrue qu’il était en droit d’espérer de la puissance financière qatarie.

ABANDONNÉ PAR LES ALLIÉS D’HIER

Enfin, l’Iran de Rohani, a cessé l’appuie au Hamas pour trois raison:
La première étant le sentiment de trahison du fait de l’absence de soutien au régime d’Al-Assad, allié de Téhéran, qui les a soutenu et recueilles depuis des décennies. Deuxièmement, en pleine négociation avec les 5+1 sur son programme nucléaire, l’Iran préfère se distancier du Hamas qui représente un poids inutile dans le gage de la bonne foi iranienne. Enfin, la grande crise géopolitique que connaît le monde arabe sur fond de guerres religieuses entre sunnite et chiite, pousse l’Iran à revoir la priorité des groupes politiques ou militaires qu’il faut financer. La priorité étant donné à la Syrie, l’Irak et au Yémen au détriment du Hamas et même du Hezbollah.

CRISE DE LÉGITIMITÉ

Le Hamas qui s’est retrouvé totalement isolé diplomatiquement, s’enfonce d’avantage dans une crise de légitimité politique, précisément au moment où le Fatah va à la conquête de cette même légitimité.
Ismaïl Haniyeh, ancien premier ministre de l’autorité palestinienne et chef du Hamas à Gaza a toujours déclaré que le parti du Fatah collabore avec les autorités israéliennes, du fait de sa participation aux nombreuses négociations qui ne sont qu’un gain de temps pour la politique de colonisation d’Israël. De son côté, le Hamas a toujours prôné la résistance à l’occupation israélienne et au vol de territoire continue, fusse-t-elle armée.
Or ces derniers temps, le Fatah a changé de stratégie pour faire connaître la cause palestinienne, délaissant les vaines négociations, et privilégiant l’adhésion à une reconnaissance de l’État palestinien au seins de nombreuses organisations internationales et en mettant en place la transparence de l’administration en Cisjordanie. Les cisjordaniens vivent mieux que les gazaouis, tandis que la politique de l’offensive diplomatique du Fatah ne peut pas vraiment faire l’objet de critique de la part du Hamas.

TRÊVE AVEC ISRAËL

L’organisation a signé une trêve avec Israël ce qui remet en cause la doctrine de la résistance du Hamas et ne peux pas vraiment se permettre un affront direct avec l’occupant, les livraisons d’armes se faisant moins importantes, et la population gazaouis payant déjà le lourd tribu de la guerre de 2014 en plus du blocus qui les privent des biens de premières nécessité.
De plus, le Fatah fidèle à sa stratégie de jouer sur le droit international, menace de de mettre fin à la coopération sécuritaire avec Israël, et forcer ainsi Israël à administrer les territoires palestiniens. L’idée étant de forcer Israël à assumer les responsabilités de son statut de puissance occupante et, poussé par la gestion politique et la sécurité palestinienne, le futur gouvernement n’aura d’autre choix que celui d’entamer des vrais négociations en vue de trouver un accord.
En effet, l’administration de la Cisjordanie par l’armée israélienne reviendrait à effectuer une pression considérable sur l’armée, la multiplication des débordements et des affrontements, et risque ainsi d’embourber la classe politique israélienne dans la gestion des territoires occupés.
La menace de quitter la coopération sécuritaire, en plus d’être un élément de pression contre Israël, affaiblit la dernière critique du Hamas à l’encontre de l’autorité palestinienne qui a toujours fustigé cet accord, accusant les forces de polices palestiniennes de faire le sal boulot de Tsahal avec cet accord.

CONTEXTE GÉOPOLITIQUE TRÈS DÉFAVORABLE

Les cadres du Hamas se retrouvent donc isolés par un contexte géopolitique très défavorable, la stricte application du blocus par l’Égypte et l’éloignement de l’Iran, sont des facteurs qui ont considérablement affaibli la capacité militaire et stratégique du mouvement, ainsi que la logistique d’acheminement de ses armes. De plus, au niveau politique, la maturité politique du Fatah et la fin de la collaboration de ces derniers avec une extrême droite israélienne résolut à poursuivre la colonisation, prive le Hamas de la traditionnelle critique qu’il faisait à la Cisjordanie.
Isolé diplomatiquement et n’ayant plus les moyens de sa politique, le Hamas est a un tournant de son histoire: Entre garder sa ligne politique bien que le contexte ne s’y prête plus, ou adhérer à un gouvernement de réconciliation nationale avec le Fatah alors qu’il a toujours combattu la façon de faire, ces prochains mois vont être décisifs.
De leur coté les Israéliens ont voté pour continuer la ligne dure de Benjamin Netanyahu, misant sur le fait que les primaires américaines ont déjà commencé, et que la mauvaise relation qu’entretien le premier ministre avec le président Obama n’est donc plus un problème. C’est aux palestiniens à présent de faire preuve d’intelligence politique, de se rassembler dans un gouvernement d’union nationale, et de saisir l’opportunité politique présente, à savoir un rare désamour entre Washington et Tel-Aviv avec un président américain qui n’a plus aucune élection à venir…

Source : Maghreb Canada express, N°142, page 16, Avril 2015.

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