Par A. El Fouladi

FouladiLe mois dernier, ne voulant pas trop m’immiscer dans un problème dont me sépare 26 ans d’immigration et tout un océan (l’Atlantique), j’ai écrit sur ma page facebook ceci :

La chose (Al Hoceima) soulève les passions et serait en train de diviser le pays entre les pour, les contre, les  »il n’y a qu’à », les  »il faut que » et un groupuscule de neutres. Je choisis mon camp parmi ces derniers. Car, à mon humble avis, pour donner un avis éclairé sur cet accident de parcours, il faudrait posséder toutes les données du problème; ce que je ne possède pas d’ici, en pays de résidence à l’étranger.

Cependant, et à première vue, il semblerait que les habitants d’Al Hoceima ont exprimé tout haut ce que plusieurs villes et villages du pays expriment tout bas. Une solution GLOBALE serait donc nécessaire.

Mais le plus urgent serait d’éteindre rapidement le feu et non de se demander qui, par qui ou comment il fut allumé. Le Maroc aurait, plus que jamais, besoin d’un (bon) pompier. Une fois le feu éteint et le calme revenu, il faudrait donner sa chance au dialogue et s’y mettre tous ensemble pour laver le linge sale en famille. Ceci dit, je souhaiterais ne pas passer pour un donneur de leçon car mon avis risque d’être biaisé par 26 ans de vie à l’extérieur du pays.

Depuis que j’ai écrit ces quelques lignes le dialogue se fait attendre et la cacophonie, médias sociaux obligent, ne cesse de s’amplifier au point de devenir ridicule. En témoigne cet échantillon d’échange entre internautes : ‘’On veut notre part des richesses des phosphates’’ Ce à quoi répond un internaute apparemment du plateau des phosphates : ’’On veut notre part des revenus du haschich’’

Ça pourrait être drôle si le peuple  n’est pas ce mélange dangereusement explosif dont les spécialistes de la fronde se plaisent à agiter avant de s’en servir. Et l’agitation serait en train d’aller bon train des islamistes aux gauchistes en passant par les barrons de la drogue, les militants amazighs, les oisifs, les , les…

Le Rif est de plus en plus présenté comme une région 100% marginalisée, enclavée et qui n’a jamais bénéficiée d’aucun investissement en comparaison des autres régions marocaines..

Et c’est ainsi que la crise d’Al Hoceima serait en voie de devenir la courroie de transmission de toutes les frustrations de tous ceux et celles qui ont un compte à régler avec tout ce qui s’apparente de près ou de loin au Pouvoir..

Mais c’est qui le pouvoir ? Le flic ? Le gendarme ? L’imbécile qui a donné l’ordre d’écraser dans une benne, et le poisson et le poissonnier ?

Il n’est pas si facile d’y voir clair quand chacun y va avec sa propre vérité sur les médias sociaux, les médias locaux et même les médias étrangers. Comme cette chaîne française qui, pour faire sensation, illustra un de ses reportages avec des images d’émeutes vénézuéliennes.. pour terminer avec des plates excuses pour le Maroc et les marocains !

Certes, dire qu’il y a de la fumée sans feu serait dangereux et irrationnel. Mais s’obstiner à prêcher ‘’qu’il n’ y a pas de fumée sans feu’’ serait très injuste car la région a eut aussi sa part des investissements surtout visant son désenclavement (réseau routier et aéroports) et l’exploitation de ses ressources locales surtout pélagiques.

Il serait pertinent de rappeler qu’il fut un temps où tout le Maroc avait souffert d’une certaine stagnation économique surtout durant les années de plomb où longtemps le Maroc s’est contenté du tronçon d’autoroute reliant Casablanca et Rabat.

Depuis l’avènement du Roi Mohammed VI, les investissements se sont multipliés, dirait-on selon le principe ‘’d’accrocher d’abord son masque avant d’aider le voisin à accrocher le sien’. Et c’est ainsi que ce furent les zones économiquement rentables qui eurent le plus bénéficié des grands chantiers afin de pouvoir renvoyer ensuite l’ascenseur aux régions les plus pauvres.

Côté Al Hoceima , il paraît qu’il y aurait tout un programme de chantiers dans la cadre d’un projet dit ‘’Al Hoceima Phare de la méditerranée’’, projet qui aurait connu des retards à cause sûrement de quelques bras cassés, qu’il faudrait se résoudre à arracher. Et en attendant ce miracle et surtout le discours du Trône du 30 juillet prochain, je me permets de partager avec vous cette anecdote personnelle:

Sitôt installé au Canada, j’y suis allé avec un mémoire de maîtrise dédiée à cette région du Rif où j’avais accompli ma première mission en tant que topographe en 1974.

Ce fut exactement à Al Hoceima.

J’ai gardé de cette première mission des images de ce réseau routier incomplet, escarpé et dangereux qui rendait la région tellement inaccessible.

Un peu plus d’une dizaine d’année plus tard, fut lancé le projet de liaison fixe Europe-Afrique à travers le détroit de Gibraltar. Et pour se préparer à cette liaison, je me suis lancé l’idée d’une rocade méditerranéenne qui aura un double objectif : Permettre un transit rapide du trafic routier international entre Tanger et Oujda , vers l’Algérie et … désenclaver le Rif.

Ce fut l’une des premières études réalisée avec un SIG  dont voici les références : Systèmes d’information Géographique  et développement du réseau routier du Rif, au Maroc, dans le contexte de la liaison fixe Europe-Afrique ”, Université de Montréal, Département de Géographie (1996 ).

Sitôt mon mémoire déposé, et en bon MRE, je me suis empressé de livrer une copie à la SNED (Société nationale des études du détroit), au ministère de l’équipement et à la toute récente Agence de développement des province du Nord (?) Et puis ? Rien de la part des destinataires… Comme d’habitude suis-je tenté de dire. Jusqu’au jour où j’appris par ‘’Maroc Hebdo’’  (qui m’avait dédié à l’occasion un article intitulé : Le chercheur qui venait du froid) que le Maroc a lancé la réalisation d’une rocade méditerranéenne entre Tanger et Saidia !

Pour la petite histoire, le tracé adopté coïncide par hasard à 80% environ avec celui que j’avais optimisé dans mon étude. Décidément je dois penser à rejoindre le Hirak ! Honnis soit qui ne pense pas à ce que je pense (je plaisante bien-sûr. Ce n’est qu’une coïncidence)

Très bonnes vacances.

Par A. El Fouladi, Maghreb Canada Express, Vol.xv, N° 07, page 3, juillet 2017

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ÉDITION JUILLET 2017

 

 

 

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