Quelle a été ma stupéfaction, quand j’ai lu dans les médias que l’épidémie du choléra a été signalée.

L’Algérie est sûrement le plus beau pays du Maghreb, je n’ai pas eu encore hélas l’opportunité de le visiter, mais ça ne saurait tarder. J’aime le peuple algérien, c’est un peuple généreux, fier, et courageux. Un peuple intègre qui déteste la soumission !

Désastre sanitaire

Le choléra, qui se manifeste par des diarrhées et des vomissements et peut être mortel, est une maladie liée au manque d’hygiène. « A l’échelle mondiale, le choléra reste toujours une menace et il est l’un des principaux indicateurs du développement social », écrit l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur son site, rappelant que « si cette maladie n’est plus une menace dans les pays appliquant des règles minimales d’hygiène, elle représente toujours un défi dans les pays qui ne peuvent garantir l’accès à de l’eau de boisson saine et à des conditions d’assainissement suffisantes. Presque tous les pays en développement doivent faire face à des flambées épidémiques de choléra ou à la menace d’épidémies ».

Quel rapport entre l’Algérie et une telle description ? Puissance pétrolière et militaire, elle est classée quatrième économie d’Afrique par la Banque mondiale. D’où le désarroi de nombreux Algériens, dans un pays où l’on n’avait pas observé cette maladie depuis vingt-deux ans, qui voient surtout dans la crise actuelle la manifestation des dysfonctionnements du pays.

Sur les réseaux sociaux, les photos d’immondices non ramassées dans les cours d’immeubles ou les rues ont fleuri. Les manquements dans les services de voirie et de ramassage d’ordures sont en effet une préoccupation quotidienne des Algériens depuis de nombreuses années.

Dans une tribune publiée le 27 août sur le site Middle East Eye et intitulée « Algérie : la gouvernance aux temps du choléra », le journaliste et écrivain Adlène Meddi pointe la puissance publique « paralysée par son incompétence, son manque de légitimité aux yeux de la société, et parfois par son déficit de crédibilité causé par les pratiques de la rapine et de la corruption endémique. […] Même si des maires tentent de lutter contre la gabegie généralisée, ils ne peuvent faire grand-chose : les élus ont moins de prérogatives que les administrateurs désignés par l’Etat. »

La dernière épidémie datait de 1986

Qu’une telle épidémie survienne en Algérie vingt-deux ans après les derniers cas recensés et 32 ans après la dernière épidémie d’ampleur a mis les Algériens en état de choc et largement surpris par-delà les frontières.

Tout d’abord, en raison de la gestion calamiteuse de l’épidémie. Alors que celle-ci a démarré le 7 août, les autorités algériennes évoqueront des cas de gastro-entérites pendant plus de deux semaines et multiplieront les déclarations contradictoires.

Il faudra attendre le 23 août pour que le ministère de la santé révèle qu’il s’agit d’une épidémie de choléra. La veille il évoquait encore « une intoxication aiguë d’origine inconnue », après le décès d’un des malades à l’hôpital de Boufarik à Blida où 65 autres patients étaient hospitalisés pour la même raison.

Les autorités inaudibles ont eu beau affirmer que l’eau du robinet était potable et saine, nombre d’Algériens se sont rués sur les bouteilles d’eau minérale dont le prix a grimpé en flèche.

Les négligences seraient nombreuses

D’après le quotidien algérien « El Watan » du 30 aout dernier, il n’en fallait pas plus pour semer la panique au sein de la population, livrée à elle-même, en manque d’informations de la part des autorités, qui semblent oublier que la réalité de 2018 n’est pas celle des années 1980. Il est plus facile de se déplacer à travers tout le territoire, que l’on peut traverser en quelques heures, et il n’en faut pas plus à une épidémie pour se propager.

Mais au-delà de ce constat, le plus surprenant c’est qu’aujourd’hui beaucoup d’experts indépendants s’accordent à dire qu’une telle catastrophe était prévisible tant les négligences sont nombreuses de la part des institutions, à commencer par celles de la commune, jusqu’aux services techniques spécialisés, comme ceux de l’agriculture o de l’environnement.

Le laisser-aller a atteint un tel degré que l’on se rend compte aujourd’hui que l’on a abandonné jusqu’au moindre réflexe de prévention au niveau local, où les autorités ont failli à leurs obligations dans le domaine sanitaire à l’égard des populations délaissées ou ignorées.

Préoccupations électoralistes et clientélistes

Ces mêmes experts sont aujourd’hui unanimes à affirmer que les eaux d’irrigation à partir des oueds et autres cours d’eau utilisées dans l’agriculture sont, dans le meilleur des cas, en grande partie polluées par les rejets industriels ou ménagers. Le pire étant tout simplement le recours aux eaux usées par des agriculteurs ignorants, peu sensibles aux risques encourus par la population qui consomme des fruits et légumes produits de cette manière.

Et c’est d’abord là que se situent les failles qui ont permis l’apparition et la propagation d’une telle épidémie, conjuguées au laisser-aller en matière d’hygiène et de salubrité publique dans les communes et les daïras [subdivision administrative] de la part d’autorités dont les préoccupations électoralistes et clientélistes n’accordent que peu de place à l’amélioration du cadre de vie de leurs administrés.

Et ce n’est pas une campagne nationale concoctée à la va-vite par le ministère de l’Environnement à la suite de cette épidémie qui comblera les lacunes des institutions nationales et des collectivités locales, incapables, dans leurs obligations envers les citoyens, de prévoir et encore moins de prévenir tout risque.

Je pense que cet incident va précipiter le pouvoir militaire vers la sortie. Un pouvoir qui règne depuis des années sans partage sur le pays. Les jeunes qui sont pour la plupart de grandes études vont pouvoir enfin prendre les rênes de leur pays en main. C’est ce qu’on leur souhaite.

Par Mustapha Bouhaddar, pour Maghreb Canada Express,, page 12, Vol. XVI, N° 09, Septembre-Octobre 2018.

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