Un million d’immigrants supplémentaires d’ici 2020, c’est l’engagement qui fut pris par le gouvernement fédéral canadien prévoyant des hausses annuelles établies à 300 000 nouveaux arrivants en 2017, à 310 000 en 2018, 330 000 en 2019 et 340 000 en 2020. Ces seuils d’immigration, rappelons-le,  sont constitués de trois grands volets : 1. immigration économique, 2. réunification de familles et 3. réfugiés.

Sur les trois années à venir, c’est surtout l’immigration économique qui va connaître une forte hausse, et ce, pour faire face, entre autre au manque de main d’œuvre qualifiée..

Face à cette générosité fédérale, le plan d’immigration du Québec pour 2019, vient confirmer la promesse électorale caquiste de ramener à 40?000 le seuil d’immigration au Québec (au lieu de 50.000) faisant ainsi fi des appels du patronat et se fiant surtout semble-t-il aux prédictions des sondages miroitant l’appui de la population au gouvernement pour ces mesures restrictives.

Selon le ministre de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, M. Simon Jolin-Barrette, la mesure serait temporaire, et ce, afin de mieux franciser les nouveaux arrivants, de mieux les accompagner dans leur intégration à la société québécoise et au marché du travail, ainsi que de mieux favoriser leur établissement durable dans la Province… Propos qui ne dissiperaient nullement les inquiétudes de la communauté maghrébine qui se sentirait tout particulièrement ciblée par une autre promesse électorale : Celle concernant la laïcité de l’État et l’interdiction du port des signes religieux dans l’exercice de certaines professions.

Une communauté maghrébine inquiète

Les premiers immigrants maghrébins s’installent à Montréal dans les années 1950. Quarante ans plus tard, étudiants et demandeurs d’asile du Maghreb y arrivent nombreux.

Arrivés en masse dans les années 1990, les Maghrébins ont commencé à immigrer à Montréal, d’abord au compte-goutte, dès la fin des années 1950. La communauté maghrébine de Montréal est surtout constituée d’Algériens, de Tunisiens et de Marocains.

À la fin des années 1950, dans la foulée des mouvements de décolonisation des pays d’Afrique du Nord, des immigrants d’origine maghrébine s’installent à Montréal. Avec la montée du nationalisme arabe et l’indépendance du Maroc en 1956, plusieurs familles juives sépharades arrivent dans la ville. L’immigration juive marocaine se poursuit tout au long des années 1960 et 1970, bien qu’elle demeure modeste. Des pieds noirs, Français établis dans les pays du Maghreb, arrivent aussi à Montréal pendant le mouvement de décolonisation.

À partir des années 1960, le Québec et le Canada se font concurrence afin d’affirmer leur influence économique, politique et culturelle auprès des pays du Maghreb indépendants. L’Exposition universelle de 1967 permet au Québec d’obtenir une meilleure visibilité dans les pays de cette région. Des citoyens nord-africains, par l’intermédiaire des délégations officielles ou comme touristes, s’offrent le voyage vers la métropole québécoise pour venir visiter Expo 67 et plusieurs sont charmés par Montréal. Dans les années qui suivent l’Expo, des étudiants, des entrepreneurs et des artistes maghrébins, que les chercheurs qualifient d’« électrons libres », s’établissent à Montréal.

Une immigration massive dans les années 1990 et 2000

À partir des années 1990, l’immigration maghrébine s’intensifie à Montréal et elle est à majorité musulmane. Si des étudiants du Maroc et de la Tunisie s’installent dans la métropole dans les années 1990, de nouveaux arrivants en provenance d’Algérie immigrent dans des conditions plus difficiles et des émigrants algériens demandeurs d’asile arrivent en grand nombre alors à Montréal.

Une importante cohorte d’immigrants en provenance des pays du Maghreb s’installe à Montréal dans les années 2000. En 2001, 17 940 Algériens, 25 815 Marocains et 5 040 Tunisiens sont recensés dans la ville de Montréal, pour un total de 48 795 Maghrébins en provenance de ces pays. En 2011, cette population a augmenté considérablement : on compte dans l’agglomération de Montréal 90 630 Maghrébins, tous pays confondus. Bien qu’ils possèdent une forte scolarisation et une très bonne maitrise du français, une enquête de Statistiques Canada révèle que plus de 20 % d’entre eux se trouvent au chômage à l’échelle québécoise en 2006 alors que la province souffre du manque de main d’œuvre qualifiée !

Pénurie de main d’œuvre et poids démographique

Martine Biron, analyste politique explique, c’est elle qui souligne : « Croyant que la connaissance du français est ‘’incontournable’’, le chef caquiste entend plus investir dans les cours de francisation ».

Martine Biron, reconnaît que la question de l’immigration polarise au Québec mais trouve moins réaliste le plan de la CAQ. « Abaisser les seuils d’immigration dans un contexte de pénurie de main d’œuvre aura des conséquences », met en garde l’analyste parlementaire de Radio-Canada à l’Assemblée nationale du Québec, pour qui « il reste des zones grises dans le plan de la CAQ, des explications que le chef caquiste devra donner ».

Les québécois d’origine maghrébine auraient-ils donc raison de s’inquiéter ?

Selon Mme Biron, le Québec a besoin d’environ 70 000 personnes immigrantes chaque année d’ici 2020 pour maintenir son poids démographique au sein du Canada. « Le gouvernement fédéral a déjà annoncé qu’il était pour l’augmentation substantielle des seuils d’immigration dans les prochaines années. Si le Québec n’accueille pas sa part, son poids démographique dans la fédération pourrait baisser », fait-elle valoir.

L’ex premier ministre du Québec, Philippe Couillard avait estimé que le projet de la CAQ est « irréaliste », puisque « l’immigration n’est pas un problème mais une opportunité » selon lui. « C’est tout à fait méconnaître la réalité du monde du travail et des problèmes que ces personnes doivent surmonter que de penser qu’en trois ans, par magie, avec un accompagnement ça serait réglé», dénonçait pour sa part Amir Khadir, ex député de Québec solidaire.

La communauté maghrébine au Canada (surdiplômée et très qualifiée selon plusieurs études) se voyait un atout pour ce pays, et ce, depuis les années 50 à nos jours. Maintenant, cette même communauté se sent écartée au profit de l’immigration d’origine Franco-française ou autre.

‘’Il est vrai que quand on veut tuer son chien, on l’accuse d’avoir la rage’’ déplorent certains de ses membres…

Ce qui nous pousse, pour conclure, de rappeler les propos de Stéphane Hessel : “Il nous appartient de veiller tous ensemble à ce que notre société reste une société dont nous soyons fiers : pas cette société des sans-papiers, des expulsions, des soupçons à l’égard des immigrés, pas cette société où l’on remet en cause les retraites, les acquis de la Sécurité sociale, pas cette société où les médias sont entre les mains des nantis, toutes choses que nous aurions refusé de cautionner, si nous avions été les véritables héritiers du Conseil National de la Résistance.

Par Mustapha Bouhaddar pour Maghreb Canada Express,, page 3, Vol. XVI, N°12 , Décembre 2018.

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