Le Pacte mondial sur les migrations a été adopté le 10 décembre 2018 à Marrakech, au Maroc, sous les auspices des Nations Unies, en vertu de la «Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants» (19 septembre 2016), qui a décidé de lancer un processus de négociations intergouvernementales menant à l’adoption d’un pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière.

Pacte non contraignant

Ce document non contraignant, qui a récemment été ratifié par l’Assemblée générale des Nations Unies par une grande majorité de pays, offre aux acteurs étatiques et non étatiques un cadre général et des lignes directrices pour la collaboration et le partage des responsabilités en matière de migration.  De nos jours, il y a environ 258 millions de migrants dans le monde, soit environ 3,4% de la population mondiale.

Le texte a polarisé les critiques des nationalistes et des groupes anti-migration. Sous la pression des courants politiques locaux ou de leurs opinions, trente pays n’étaient pas représentés malgré leur engagement antérieur sur ce document. Ses critiques y voient un encouragement à un flux migratoire incontrôlé. Les partis politiques populistes, notamment en Europe, ont mobilisé leurs efforts contre l’adoption de ce pacte, qui a entraîné l’implosion de la coalition au pouvoir en Belgique avec la démission des ministres nationalistes flamands et du Premier ministre Charles Michel.

Pacte instrumentalisé

En raison des conditions quelque peu tumultueuses des majorités électorales dans quelques pays, le pacte sur les migrations a été instrumentalisé ou manipulé. Les nationalistes européens se sont mobilisés contre ce pacte, engendrant des affrontements politiques à l’est et  l’ouest de l’Europe sur ce sujet brûlant qui entrave la collaboration des Etats. Le 16 décembre, des milliers de manifestants à Bruxelles ont manifesté contre le pacte des Nations Unies, à la suite de l’appel lancé par les partis  flamands de droite, craignant que le pacte ne conduise à une recrudescence de l’immigration.

Les États-Unis, qui s’étaient retirés de la rédaction du texte en décembre 2017 en le jugeant contraire à la politique d’immigration du président Donald Trump, ont lancé une nouvelle attaque contre le Pacte et contre toute forme de « gouvernance mondiale ». Les décisions relatives à la sécurité,  le droit de résidence légale ou d’obtention de la citoyenneté, font partie des décisions souveraines les plus importantes qu’un pays puisse prendre « , a martelé la mission diplomatique américaine.

Début décembre, une réunion s’est tenue à Bruxelles avec Marine Le Pen, chef de l’extrême droite française, et Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump, pour dénoncer le pacte. Ils l’ont brandi comme un épouvantail des populistes de toute l’Union européenne à l’approche des élections européennes de mai prochain. Ces réactions se produisent alors même que le pacte respecte la responsabilité des États de protéger leurs frontières et la souveraineté nationale des pays de contrôler les flux migratoires, à démanteler les réseaux et à lutter contre la traite humaine.

Comme l’a déclaré Louise Arbour, représentante spéciale des Nations Unies pour les migrations,  lors d’une conférence de presse à Marrakech, « le pacte ne crée aucun droit d’émigrer et n’impose aucune obligation aux États ».

Le pacte identifie les grands principes: Protection des droits de l’homme, des femmes et des enfants, reconnaissance de la souveraineté nationale – et dresse une liste de propositions visant à aider les pays à faire face à la migration,  échange d’informations et de compétences, et favorise l’intégration des migrants. Il interdit les détentions arbitraires, n’autorisant les arrestations qu’en dernier recours.

Pacte dangereux pour les uns; insuffisant pour les autres

D’autre part, les défenseurs des droits de l’homme estiment que ce pacte est insuffisant, notamment en ce qui concerne l’accès des migrants à l’aide humanitaire et aux services de base ou les droits des travailleurs migrants.

Aujourd’hui, on s’inquiète du nombre croissant de migrants en situation irrégulière et les États doivent travailler ensemble pour minimiser les facteurs indésirables qui poussent les personnes à quitter leur pays d’origine.

Bien gérée, la migration peut favoriser la croissance économique et  aider à faire face aux déséquilibres croissants des tendances démographiques et du réchauffement de la planète dans les régions et les continents.  Si elle reste totalement non réglementée, la migration peut engendrer des tensions, comme c’est le cas aujourd’hui.

Ainsi, comme nous le montre dans le livre « Nouveaux horizons de la diaspora musulmane en Europe et en Amérique du Nord », la migration est à la fois un défi et une opportunité. Cette question devrait être traitée conjointement et à l’échelle mondiale, par la promotion et le renforcement de mécanismes de nature multilatérale, associant les pays d’origine, de transit et de destination.

La migration : Acte de choix et non de désespoir

À mesure que les Nations Unies ont ratifié ce pacte et que les pays le mettent en œuvre, la migration peut être rendue plus sûre pour tous, en particulier les migrants en situation de vulnérabilité, y compris les femmes et les filles qui sont souvent victimes de trafic illicite et de traite des êtres humains.

Cela peut être réalisé en réduisant les risques, en veillant au respect des droits humains et en rendant les migrations régulières plus accessibles et préférables aux itinéraires et aux moyens dangereux et irréguliers souvent utilisés.

La migration devrait devenir un acte de choix plutôt qu’un acte de désespoir imposé par les guerres civiles, les catastrophes ou le changement climatique. La migration est une responsabilité partagée des pays concernés. Aucun État ne peut y répondre seul, et aucun État aussi puissant soit-il n’a le droit de dicter à d’autres états ce qu’il faudrait faire à ce sujet.

Alors que le monde célèbre le 70e anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, rappelons-nous que, lorsque nous protégeons tous les migrants et les réfugiés et que nous les traitons avec dignité et respect, nous établissons une norme morale pour le monde.

Par Moha Ennaji (*) pour Maghreb Canada Express,, page 12, Vol. XVII, N°1 et 02 , Janvier-Février  2019.

(*) Moha Ennaji est président du Centre Sud Nord pour le dialogue interculturel et les migrations au Maroc et professeur de linguistique et d’études culturelles à l’Université de Fès.

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JANVIER-FÉVRIER 2019

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