Force est de constater que le train du vivre-ensemble est en train de dérailler. Force aussi est de constater que nos gesticulations communautaires de rapprochement , oh combien folkloriques dans leur majorité, ont lamentablement échoué… Non ? Comment alors expliquer ce revirement spectaculaire d’un Québec qui, hier, nous accueillait à bras ouverts et qui, aujourd’hui, appuie le projet de loi 21 avec une écrasante majorité ! ?

Et ce ne seraient pas les élus provinciaux issus des minorités religieuses qui remettraient le train de la Concorde sur les rails; Du moins pas certains parmi eux qui se cacheraient ces derniers temps pour mieux caresser leur électorat pure-laine dans le bon sens du poil.

Et ce ne seraient pas non plus ces leaders communautaires autoproclamés qui, pires que certains fkihs des douars les plus reculés qui n’attendent que le ramadan pour s’en mettre plein les poches, qui vont le faire non plus !

Loin de nous l’idée voulant que les affaires doivent cesser tout au long du mois de ramadan. Cependant ces affaires devraient tout de même se faire tout en évitant de donner l’impression aux non initiés que l’arnaque au rapprochement fait partie de l’esprit de Ramadan  !

Ceci dit, et souligné, le temps d’un hirak (mouvement spontané populaire) est venu pour aller vers l’Autre et saisir toutes les occasions permettant un contact public pour expliquer à l’Autre que nous ne sommes ni ennemis, ni même adversaires mais nous sommes juste des citoyens comme tout chacun; aspirant au vivre-en-paix et rêvant d’un avenir meilleur pour nos enfants.

D’où tout l’intérêt, à notre humble avis, de relancer cette initiative «Apportez votre soupe » durant ce mois de ramadan de cette année 2019.

Rappelons que cette initiative fut née suite à plusieurs séjours professionnels à Trinidad et Tobago, pays caribéen où cohabitent 3 religions et où l’État, au lieu de mettre ces religions sous le tapis en prétextant la séparation de la religion et de l’état, a préféré décréter que toutes les fêtes religieuses sont des fêtes nationales.

Et c’est à Trinidad que j’ai vu le musulman fêter le Divali, Noêl, aller prier dans sa mosquée et ouvrir sa porte à ses voisins pour partager son iftar lors du mois de ramadan. Et… si ça marche dans certains pays, comme Trinidad, pourquoi pas ailleurs me suis-je dit. Et ce fut ainsi que je partageai ma première harira (soupe) avec des non-musulmans en Haîti , en 2016.

Et ce serait dans ce même esprit que quelques amis, qui tiennent à rester dans l’anonymat, avaient déjà organisé un iftar collectif pour quelques centaines d’étudiants à l’Université Concordia en 2017. En 2018, Ils assurèrent un souper complet à plus de 350 bénéficiaires du refuge ‘’La Maison du Père’’ à Montréal. Et cette année, ils reviendront probablement à la charge.

Soyons nombreux à suivre leurs pas cette année pour dissiper ce malaise spécial crée par le projet de loi 21.

L’objectif principal de cette initiative est de s’inscrire dans un effort aussi bien individuel que collectif pour remettre ce train de la concorde sur les rails, et ce, en incitant tout chacun à devenir organisateur et acteur, ne serait-ce qu’en invitant son voisin non-musulman à partager son iftar.

Il est à souligner que cette initiative n’est nullement  une tentative de justification. Il n’y a rien à justifier. Mais une volonté de partage car nous avons tant à partager !, Elle est aussi une opportunité de promouvoir l’esprit de Ramadan; le vrai ! Celui de «donner sans rien attendre en retour», sinon une ouverture du coeur et une oreille attentive de notre interlocuteur.

Rappelons que cette initiative prône d’organiser, tout au long du mois de ramadan, une série d’iftars collectifs où les musulmans sont appelés à apporter leur nourriture et leurs bols ou soupières dans des lieux aménagés à cette occasion : gymnases, salles communautaires ou sous-sols d’églises pour les partager avec leurs concitoyens des autres confessions ou sans appartenance religieuse, parler et communiquer avec eux, s’amuser, rire et mieux se connaître les uns les autres dans une ambiance conviviale et chaleureuse marquée par un air de spiritualité qui nous manque affreusement en ces temps-ci.

Les citoyens de confession musulmane fourniront la nourriture. Reste à trouver des toits sous lesquels partager tous ces délices culinaires d’outre-mer… dans des terrains ’’neutres’’, loin des mosquées qui, lorsqu’elles ne sont pas engorgées en ces temps-ci, risqueraient tout simplement de décourager les non-musulmans de se présenter. D’où la nécessité d’impliquer les élus et les villes pour apporter leur ‘’grain de sel’’ à l’animation de ces activités.

Et quand on se réfère aux discours prononcés sur la Place Émilie Gamelin, à Montréal le 14 avril dernier lors de la manifestation ‘’Pour un Québec Inclusif’’ contre le projet de loi 21, il y a des fortes chances d’avoir le soutien d’élus comme Lionel Perez, Anthony Housefather ou David Birnbaum pour généraliser ces iftars de la concorde.

Ce serait aussi là une occasion idoine pour l’implication des Centres culturels des pays d’origine installés dans les pays d’accueil : Les associations binationales, en partenariat avec ces centres, auraient de la «soupe dans la marmite » tout au long de ce mois de Ramadan.

Quant à votre serviteur, qui avais déjà gouté aux délices des iftars dans des pays multiculturels ou règne déjà la concorde, j’irais, cette année, faire perdurer cette tradition naissante en Océanie.

Joyeux Ramadan  !

Abderrahman El Fouladi pour Maghreb Canada Express,, page 3, Vol. XVII, N°5 , Mai 2019.

Pour lire  l’édition de Mai 2019, cliquer sur l’image:

 

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