Récemment le gouvernement du Québec a fait adopter sa loi sur la laïcité de l’État. En résumé il est dorénavant interdit de porter un signe religieux dans les emplois de l’État en position d’autorité comme les juges, les agents de la paix, etc. mais aussi les enseignants des écoles publiques.

J’insiste bien sur écoles « publiques » donc financées entièrement par les impôts des contribuables québécois. Heureusement une clause « grand-père » a été intégrée afin de protéger les emplois des enseignant(e)s actuel(e)s portant un signe religieux !

Depuis son adoption, il y a eu plusieurs contestations à différents niveaux : au niveau fédéral à cause de la Charte canadienne des droits et libertés il y a également eu des contestations au Québec et mêmes quelques poursuites judiciaires.

Ceci étant dit quelle est d’abord la définition de la laïcité ? Sa définition juridique est:  en droit, la laïcité est le « principe de séparation dans l’État de la société civile et de la société religieuse » et « d’impartialité ou de neutralité de l’État à l’égard des confessions religieuses »

La laïcité garantit donc aux croyants et aux non-croyants le même droit à la liberté d’expression de leurs convictions. Elle assure aussi bien le droit d’avoir ou de ne pas avoir de religion, d’en changer ou de ne plus en avoir.

Elle garantit également le libre exercice des cultes et la liberté de religion, mais aussi la liberté vis-à-vis de la religion.

Personnellement, je suis pour la laïcité et pour les libertés individuelles mais je n’étais pas en faveur de cette loi 21 de la laïcité à cause de la portion relative aux enseignants et ce pour des raisons simples et pragmatiques. J’ai d’ailleurs toujours dit que ce qui compte vraiment c’est ce qu’on a dans la tête et non pas sur la tête !

Ceci dit, et bien que je pense qu’aucun enseignement religieux n’a sa place dans une école publique au Québec qui doit rester neutre, aucune étude n’avait démontré qu’une enseignante portant le hijab ou une croix par exemple, puisse endoctriner ou influencer des élèves.  Ce qui compte vraiment c’est que l’enseignement soit neutre sans place à la religion et ce afin de respecter le caractère laïque de l’enseignement.

D’ailleurs j’étais d’accord avec la vision de Mr Alain Fortier, président des commissions scolaires du Québec qui s’y opposait aussi et ce n’était vraiment pas parce qu’il n’aimait pas la laïcité, bien au contraire !

Ceci étant dit l’élection d’un gouvernement caquiste en 2018 était la preuve de la volonté de la majorité des québécoises et québécois qui ont clairement appuyé ce projet de loi aussi parfait ou imparfait soit-il.

 Une loi a été votée dans un parlement par des députés élus démocratiquement ! Oui le bâillon a été utilisé pour écourter les débats mais rappelons que sur une période de 30 ans le bâillon a été utilisé plus de 149 fois : le Parti québécois a utilisé la mesure 70 fois, et le Parti libéral du Québec 79 fois.

Donc advenant le cas où dans le futur le gouvernement fédéral ou des juges venaient à invalider ou amender cette loi, est ce que cela signifierait que soudainement la majorité des Québécois ne la soutiennent plus ?

En démocratie, ce sont les règles du jeu : tout est question du choix de la majorité

Je pense que l’adoption de cette loi doit nous permettre de nous poser d’importantes questions : pourquoi le peuple québécois, connu mondialement pour son ouverture et sa tolérance, était rendu à vouloir cette loi de la laïcité de l’État ?

 Le « vivre ensemble » entre les musulmans du Québec et les québécois a-t-il été « fissuré » au cours des dernières années ? Si oui, pourquoi ? Et par qui ?

Le sujet est complexe et pluriel ! On peut toujours se voiler la face et accuser tout le monde sauf nous mais je pense que la responsabilité est collective…

Tout ceci m’emmène à me questionner sur les motivations profondes qui ont fait que le Québec s’est doté d’une loi de la laïcité.

A mes yeux, il y a 2 principaux volets à cette question :

  1. L’histoire des québécois par rapport à la religion en général et 2. Les accommodements raisonnables

Commençons par le 1er volet :

Sans allez trop dans l’histoire, les québécois sont passés à travers une longue période où la religion était omniprésente dans de nombreux sphères de la vie incluant la vie scolaire : plusieurs générations de québécois ont grandi avec la religion dans les écoles à travers des enseignantes qui étaient des religieuses voilées et qui enseignaient le programme scolaire à travers leurs croyances personnelles.

D’ailleurs après la 2nd guerre mondiale, moins de la moitié des élèves terminaient leur 7e année et seulement 2 % atteignaient la 12e année.

Au Québec il y avait deux systèmes scolaires : un catholique, pour la majorité franco-catholique, et un autre protestant, pour la minorité anglophone. Arriva ensuite la fameuse « révolution tranquille » où les Québécois ont mis dehors l’institution religieuse dans tous les sphères de la vie publique incluant bien entendu l’éducation

Le 2eme volet qui, à mes yeux, a fortement influencé le choix de la majorité en faveur de la loi 21 ce sont tous les accommodements raisonnables qui ont été fait pour des motifs religieux.  A mes yeux, il y a eu beaucoup de demandes exagérées.

Alors elle est ou la ligne entre accommodement raisonnable ou accommodement déraisonnable.

Personnellement je suis pour des accommodements qui ne dérangent personne, qui font le bonheur d’autres et facilitent ainsi leur intégration. Mais ces accommodements doivent être sans impact pour l’organisation ni être perçu comme « traitement de faveur » par la majorité d’où l’importance du dialogue et d’une bonne communication entre les parties.

Un meilleur « vivre ensemble » aurait été et sera toujours le meilleur rempart aux préjugés, à la désinformation et aux lois discutables…

(1) Au sujet de l’auteur :

Ismael Alaoui est d’origine marocaine. Il  s’établit au Québec à partir de 1998.

Ayant étudié à l’école HEC Montréal et à l’Université de Sherbrooke où il compléta son Baccalauréat en Administration des Affaires ( BAA) et son MBA exécutif. 

Depuis 2002, il évolua au sein de plusieurs multinationales (Pitney Bowes, Yellow Pages, ADP, Canon)  où il géra des équipes de Ventes et de Marketing.

Actuellement il est Président et cofondateur de Pompe Media; une entreprise en affichage publicitaire.

Parallèlement, il donne aux étudiants des HEC Montreal des cours de Vente.

Tout récemment, il s’impliqua au service de sa communauté pour un meilleur « vivre-ensemble », et ce, à travers sa page Facebook « Ismael le MaroQcain d’icitte »

Par Ismael Alaoui pour Maghreb Canada Express, page 6, Vol. XVII, N°7 , JUILLET 2019

Pour lire  l’édition de JUILLET 2019, cliquer sur l’image:

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