C’est le titre du dernier livre de Tariq Ramadan qui a fait polémique cet été. La justice l’a enfin autorisé à le sortir

Les 5 à 6.000 exemplaires de ce livre vont donc débarquer sur les étals des librairies. Il ne reste plus à Tariq Ramadan qu’à verser un euro. Soit le prix pour poursuivre l’offensive médiatique qu’il a entamée le 6 septembre. Silencieux depuis sa sortie de prison en novembre, l’islamologue est apparu, le matin du 11 septembre, en face de Jean-Jacques Bourdin, sur BFM TV.

Visage un peu plus émacié que par le passé et cheveux blanchis par le temps, Tariq Ramadan, 57 ans depuis cet été, a passé toute l’interview à contester vigoureusement les faits de viol dont il est accusé. « Quand la justice sera faite, j’aurais les moyens de pardonner [aux femmes qui l’accusent] », a-t-il même indiqué à ce propos.

« Je me sais coupable devant le tribunal de ma conscience »

En attendant, il sait bien que l’on dit plus de choses en 293 pages qu’en 28 minutes d’interview télévisée. Si Tariq Ramadan conteste tout autant les faits de viol dans son Devoir de vérité qu’à la télévision, il teinte surtout son propos écrit de nombreuses références religieuses qui ne doivent rien au hasard. Il y a par exemple le premier soir en prison où il raconte avoir pensé « à Dieu » avant de penser à sa femme et à ses enfants. Il y a aussi ces versets du Coran dont il se « nourrissait » quotidiennement derrière les barreaux car ils « expriment la force malgré l’impuissance ».

Car Tariq Ramadan croit en ses avocats pour convaincre les juges de son innocence. Mais il ne fait confiance qu’à lui-même pour reconquérir les foules de musulmans qui l’ont porté aux nues des années durant. Acculé durant l’enquête, il a fini par reconnaître avoir eu des relations extraconjugales –« consenties », selon lui– avec ses accusatrices. Avouant ainsi qu’il avait trompé sa femme allégrement alors qu’il vantait les mérites de la fidélité à longueur de conférences

Reconquérir les           musulmans

En publiant « Devoir de vérité », Tariq Ramadan cherche à reconquérir les musulmans. Lesquels, dont l’islamologue Haoues Seniguer, jugent son attitude scandaleuse.

L’islamologue Haoues Seniguer, maître de conférences à Science Po Lyon et chercheur au laboratoire Triangle (ENS-CRNS)*, analyse l’effet produit par la publication du livre de Tariq Ramadan, Devoir de vérité (Presses du châtelet) auprès de la communauté musulmane. Le prédicateur s’y défend à nouveau de toutes les accusations qui lui valent d’être mis en examen pour viol.

Lors d’un entretien accordé à L’Express le 15 septembre 2019, Haoues Seniguer, souligne que beaucoup  de musulmans manifestent une forme de stupéfaction face à cette prise de parole. Ils s’attendaient à un examen de conscience, à une autocritique réelle et non feinte, notamment sur le hiatus entre la norme religieuse que Tariq Ramadan a prescrite pendant des années et son comportement privé, désormais exposé au grand jour et qu’il reconnaît en partie. Or, ce livre est tout le contraire. Ils auraient aussi apprécié que l’ancien prédicateur ne fasse pas la promotion de son ouvrage pour un aussi improbable qu’indécent retour en grâce.

Au lieu de quoi, Ramadan semble vouloir revenir sur le devant de la scène comme s’il ne s’était rien passé, ce qui est jugé intolérable, sinon scandaleux, par beaucoup de musulmans, y compris ceux qui lui furent les moins hostiles. Haoues Seniguer rajoute que l’audience de Tariq Ramadan a fondu comme neige au soleil, sinon pour les nouvelles compromettantes le concernant. Ramadan a ouvert un site internet, joue à fond les réseaux sociaux, espérant justement une éventuelle reconquête de ses anciens fans, disciples ou sympathisants Ce sont des outils, par excellence viraux, qui permettent de se donner un poids, ou l’illusion d’un poids, que l’on n’a pas ou plus forcément.

Il tente ainsi de glaner des supports chez les antiracistes en jouant la carte de l’islamophobie, et en utilisant les éléments de langage des Indigènes de la République ou des organisations de lutte contre l’islamophobie : il parle de racisme d’État, d’islamophobie d’État, et va, comble de l’indécence et du narcissisme malséant, jusqu’à se comparer au capitaine Dreyfus.

À ce propos, il y a depuis de nombreuses années chez Tariq Ramadan une forme de « complotite » qu’il parvenait au moins en partie à masquer au moyen de ses effets de manche rhétorique. Feiza Ben Mohamed, figure de la lutte contre l’islamophobie qui apparaît parfois aux côtés de Marwan Muhammad, semble lui apporter un soutien à peine voilé sur les réseaux sociaux, en estimant que sa vie privée, fautive, doit être en quelque sorte dissociée de son message. Mais elle est, il faut le dire, bien l’une des rares personnes visibles sur le net à se manifester en ces termes, volontairement elliptiques d’ailleurs, précisément pour ne jamais donner l’impression de le soutenir complètement.

Le fait que la fédération Musulmans de France (ex-UOIF) se soit dite publiquement « choquée par l’écart béant entre les dires et les comportements de [Tariq] Ramadan », est un signal très fort du discrédit qui touche de plein fouet le prédicateur. L’organisation ne publie quasi jamais de communiqués pour lâcher en rase campagne l’un des siens ou « un Frère » puisque l’habitude est davantage de laver le linge sale en famille.

Quant aux compagnons de route de Tariq Ramadan, L’Islamologue explique à L’Express,  qu’après avoir piloté le comité de soutien de Tariq, Yamin Makri, l’un de ses plus proches amis, l’a lâché au vu de révélations qu’il a trouvées aussi choquantes que déstabilisantes. Au centre Tawhid, à Saint-Denis, où un appartement était mis à sa disposition lors de ses passages en région parisienne, les responsables l’ont déclaré persona non grata. Lui refuse à ce jour de déménager les lieux. La maison d’édition reliée au centre a retiré ses ouvrages de son catalogue. Tout cela atteste une défiance majeure de la part des musulmans engagés, qui se sentent trahis par un personnage qu’ils ont beaucoup défendu et assurer la promotion, sans faillir, dans l’Hexagone.

Ses adversaires lui ont tendu un piège

Je fais partie des millions de Français musulmans qui ne ratent jamais aucun débat de Tariq Ramadan quand il vient en France. C’était l’une des rares personnalités qui possédait et qui possède toujours une culture phénoménale. De mémoire je ne me souviens pas l’avoir vu mis en difficulté dans un débat l’opposant à un journaliste, un politicien, un écrivain, un philosophe ou autres. Il en a fait trembler plus d’un, car il possède le sens de la formule, une rhétorique et une locution hors du commun. Il excelle en arabe, en français et en anglais. Désormais,  il ne reste plus aux musulmans de France, un seul intellectuel de la trempe de Tariq Ramadan.

Comme l’explique si bien Yasser Louati, sur le site « Oumma », le 20/09/2019, « Des militants de la gauche laicarde, à l’extrême droite, en passant par la droite identitaire, tous ont maudit le personnage (Tariq Ramadan), en raison de sa capacité à les défier sur leur propre terrain, celui des idées et des débats télévisés. Incapables de le contredire lors de ces débats, ils ont opté pour la diabolisation, l’accusant d’appartenir aux frères Musulmans, comme on a pu le voir avec Caroline Fourest, Éric Zemmour ou Philippe de Villiers.  Que Tariq Ramadan soit réellement un frère musulman ou non, nous importe peu, et si c’était vrai, il n’aurait enfreint aucune loi, ni fait preuve d’un quelconque manque d’éthique. »

Quant à moi, Je me souviendrai toujours d’un jour de novembre 2009, dans un débat télévisé entre Tariq Ramadan et Caroline Fourest dans une émission de Fréderic Taddei, sur France 3. Tariq Ramadan  a démontée Caroline Fourest, façon puzzle, il l’a humiliée, et a prouvé aux millions de téléspectateurs, livres à l’appui, l’imposture de Caroline Fourest. Cette dernière, serait-elle  celle qui a commandité ce piège qu’on tendu ces femmes accusatrices, à Tariq Ramadan pour le compromettre ? Le futur nous le dira.

Par Mustapha Bouhaddar pour Maghreb Canada Express, page 12, Vol. XVII, N°10 , OCTOBRE 2019

Pour lire  l’édition d’OCTOBRE 2019, cliquer sur l’image :

 

By AEF