J’ai découvert Katherine Johnson à l’université où je travaillais sur ma thèse de mathématiques sur le binôme de Newton, par hasard à la bibliothèque. Quelle a été ma joie quand j’ai su qu’elle était afro-américaine.

Elle s’est éteinte à l’âge de 101 ans le 24 février dernier, et c’est pourquoi j’ai souhaité rendre hommage, à la mathématicienne, à l’africaine et à la femme.

Ses calculs ont permis aux Etats-Unis de conquérir la Lune. Sa carrière a inspiré le film « Les Figures de l’ombre », sorti en 2016, adapté du livre de Margot Lee Shetterly, qui racontait l’apport trop souvent ignoré des femmes noires dans la conquête américaine de l’espace. La scientifique était d’ailleurs restée relativement inconnue jusqu’à ce que le président Barack Obama lui décerne, en 2015, la médaille présidentielle de la Liberté, l’une des plus hautes distinctions civiles des Etats-Unis.

Titulaire d’une licence de mathématiques, Katherine Johnson avait rejoint le programme spatial américain – la future NASA – en 1953, et avait pour tâche principale de contrôler le travail de ses supérieurs à l’aide de calculs.

Des mathématiciens noirs, à l’écart de leurs collègues blancs.

A cette époque, la ségrégation raciale était encore en vigueur aux Etats-Unis, et la scientifique œuvrait à un poste de « colored computer » (« ordinateur de couleur ») avec des douzaines d’autres mathématiciens noirs, à l’écart de leurs collègues blancs. C’est seulement en 1958 que son équipe a été intégrée à d’autres divisions de la NASA, pour faire partie du premier programme de vol spatial habité des Etats-Unis.

Katherine Johnson a alors participé aux calculs du vol d’Alan Shepard, le premier Américain à se rendre dans l’espace.

Pendant sa carrière de trois décennies pour l’agence spatiale, Katherine Johnson a développé des équations cruciales ayant permis aux Etats-Unis d’envoyer des astronautes en orbite et sur la Lune, des formules toujours utilisées dans la science aérospatiale contemporaine. Elle a notamment calculé les trajectoires d’Apollo-11, la mission historique qui a fait de Neil Armstrong le premier homme à marcher sur la Lune en 1969.

La NASA a rendu hommage à la scientifique. « C’était une héroïne de l’Amérique, une pionnière dont l’héritage ne sera jamais oublié », a écrit James Bridenstine, le patron de l’agence spatiale américaine.

Katherine Johnson a permis « d’éliminer les barrières raciales et liées au sexe », a de son côté salué la NAACP, la plus grande organisation de défense des Noirs aux Etats-Unis.

Katherine Johnson est la preuve vivante que l’intelligence n’a rien à voir avec la couleur de la peau, n’en déplaise aux racistes blancs américains qui pensent que la race blanche est une race supérieure, et qu’un noir n’est bon qu’à effectuer les basses besognes.

Katherine Johnson est aussi la preuve que les femmes sont aussi douées que les hommes et parfois même plus, pour les matières scientifiques.

En France on a eu Marie Curie qui a obtenu deux prix Nobel (physique et chimie), et démontre que l’intelligence n’a pas de sexe, ni de couleur de peau, ni de race.

Katherine Johnson est née en 1918, elle est de la même génération que James Baldwin qui disait : « Je suis né dans les années 20, c’était la grande dépression, la grande crise, et la pauvreté bien sûr était exagérée dans le cas d’une famille Noire. Quand les choses vont mal dans mon pays, cela va encore plus mal pour les Noirs. C’est pire pour eux. C’est toujours vrai d’ailleurs. »

Je n’ai qu’une chose à dire à Katherine Johnson : « Grâce à vous, j’ai cru en moi, et j’ai pu achever ma thèse de mathématiques. Merci d’avoir existé. »

Par Mustapha Bouhaddar pour Maghreb Canada Express, (Édition électronique) Vol. XVIII, N°03 , page 14, Mars 2020.

Pour lire l’Édition électronique de Mars 2020 (**), cliquer sur l’image :

(**) Eu égard aux efforts collectifs pour endiguer la pandémie, et prenant en note que chaque geste, aussi minime soit-il, compte, Maghreb Canada Express sursoit à son Édition Papier, ce mois de mars 2020.

 

By AEF