Numéro 6 Volume 3 (3ième année) Juin 2005 Page 10 |
Plaidoyer contre la ghettoïsation de la communauté maghrébine vivant au Canada. Par Majid Blal
majidblal@hotmail.com
Se
déconnecter de la sphère médiatique locale parce que soudain les antennes
paraboliques apportent l’orient dans une soucoupe et c’est la ruée vers la
stratosphère. Le
phénomène, mine de rien, peut s’avérer un puissant et sournois moyen de
s’auto exclure de la sphère culturelle au Québec. Une façon de se mettre à
l’écart de tous les enjeux qui sont supposés être commun à tous les
citoyens. S’auto
exclure... Le
phénomène est à la mode dans le milieu des familles d’origine maghrébine
au Québec. Être branché au bouquet de chaînes arabophones dont le nombre
s’est multiplié sur satellites, d’une façon vertigineuse, est la tendance
dans le milieu.
Depuis
l’abat des tours jumelles puis la guerre d’Irak qui s’en est suivie, des
attitudes belliqueuses s’acharnent à diaboliser tous les Arabes.
Xénophobie? Incompréhension? Ou tout simplement l’œuvre de
malintentionnés? Le malaise s’est installé. Créant dans les soucoupes des
coquilles où se replie sur soi une frange de la société qui ne sait comment
clamer son innocence devant des index, sournoisement, accusateurs. Le
marché des signaux, piratés ou non, est devenu une
surenchère sur la puissance des bidules qui offrent tel ou tel choix de
canaux. L’escalade, sur fond d’antennes paraboliques. Un défilé de
collectionneur, une démonstration de la capacité des décodeurs à toucher le
plus de chaînes. Une compétition à propos du maximum de canaux,
à accumuler comme des titres en bourse, émis à partir du Moyen Orient
et du Maghreb. Toutefois! Ni
le questionnement identitaire, ni le discours des promoteurs de haine, ni
l’attrait du nostalgique, ni le besoin de rester en contact permanent avec une
langue, une culture chérie ou tout simplement d’accéder à un autre point de
vue de l’information, ne peuvent justifier une coupure radicale avec ce qui
est désormais un espace commun avec des objectifs communs. On
ne peut ignorer ce qui se passe sur le bateau où l’on prend place.
Embarcation qui est censée regrouper toute la diversité, d’idées,
d’origines et de religions. La diversité, principale cargaison de cette arche
de Noé ou naissent, poussent et grandissent nos enfants. La
volonté, consciente ou non, de demeurer attaché, lié, au pincement mélancolique
du passé simple, peut isoler culturellement si de son propre chef on rejette et
le quotidien et ceux qui le partagent. Déconnecté parce qu’on s’est
installé dans les images réconfortantes qui apaisent l’altérité. Miroir
aux alouettes. Se tirer dans le pied puis sortir sur la touche. Marginalisation... Éviter
la scène locale c’est se projeter à la marge d’une dynamique où l’on
est supposé être
acteur et non un spectateur qui de surcroît quitte la salle avant la
projection. Comme
citoyens, le village nous appartient aussi. Sa vie comme sa survie nous importe
en première instance. Mettre la télé, la radio, la presse, les arts et les
enjeux locaux en hibernation parce que le désir de se reconnaître ailleurs est
plus fort. Que des images virtuelles rassurent l’éveil des impulsions
primales ! Primaires.
Que les ondes embaument les blessures de l’immigration. Tout cela ne
peut être pathologique si on prend le temps de vivre, également, la culture,
l’art, l’information etc du pays d’accueil. Le minimum d’une implication
effective dans son milieu de vie.
Certes,
beaucoup d’événements ont stigmatisé des sensibilités et des égos. Les
Arabes comme des musulmans ont été et sont la cible facile d’un certain
regard méfiant et parfois dilapidant. Tous les Dutrisac et les Mailloux de ce
monde ont laissé déferler leur haine et leur préjugés face à des citoyens
qui ne peuvent se défendre sans être soupçonnés de défendre l’indéfendable. Comme
toutes les majorités silencieuses prises en otage entre ses brebis galeuses et
pamphlétaires qui sous prétexte de dénoncer l’extrémisme, tirent sur tout
ce qui bouge, surtout sur les sans voix.
Bien
sur, chacun est libre de naviguer et de surfer sur les soucoupes qu’il
affectionne. Simplement, l’excès à faire le buvard d’un seul genre risque
de fragiliser plus que ce ne l’est déjà une immigration qui se débat pour
trouver des repères fonctionnels. Fixer
uniquement les étoiles à travers la lunette d’un seul satellite peut déformer
la perception d’un regard quand, comme Hubble, le satellite est myope. Le
danger est d’embarquer sur le tapis volant de la monoculture. Un satellite qui
révolutionne autour de la peur de se départir d’un peu de soi pour y greffer
un peu de tous. Et
dire que le communautarisme tant décrié lorsque à sa base il est restreint,
restrictif et réducteur, commence par l’incapacité à trouver les mailles
qui tricotent le tissu social global. L’instant ou l’individu comme un
groupe tend à faire bande à part parce qu’il a le sentiment d’être
incompris, mésestimé, dénigré, rejeté ou tout simplement ignoré.
Susceptibles
aléas du sentiment d’appartenance. Multiplier
l’identité... La
crainte de s’oublier et l’envie de sauvegarder un acquis ancestral sublimé,
ne devraient pas être un obstacle. L’empêchement d’assumer une identité
multiple comme une mosaïque multicolore qui reflète l’ensemble des acquis et
des appris.
S’enfermer
dans une opposition têtue, vindicative et récalcitrante au changement n’est
pas le procédé le plus adéquat pour une intégration harmonieuse dans le
tissu social où nous devrions revendiquer une intégrale et participative
partie. N’être
branché que sur l’ailleurs est comme un pesticide qui sous prétexte de
favoriser une certaine culture annihile toute la végétation. Un défoliant qui
voulant protéger quelques racines
saccage toute la culture dans son sens universaliste. Le TNT qui, au lieu
d’épouiller, donne des mots de têtes. L’agent orange du cognitif.
Cette
chronique peut s’avérer exagérée, alarmiste, une façon simpliste de faire
du déterminisme historique. Le rapport de causalité direct et exclusif
n’analysant qu’un facteur parmi une panoplie de raisons objectives comme
subjectives qui font qu’une communauté fragilisée ne se replie sur elle-même.
Elle reste, quand même, un constat qui met le doigt sur un fait incontestable. Le
plaisir d’avoir le choix ne devrait pas être un vecteur qui véhicule
l’isolement culturel. L’exclusion du débat social sur le devenir de la société
ou l’on prend racine. Le lieu physique et abstrait d’abord d’accueil puis
unificateur de ses membres pour coaliser les citoyens autour d’objectifs
rassembleurs. Le lieu de projets communs où la diversité est d’abord
l’atout de taille.
Continuer
à s’instruire en pigeant un peu de chaque plat est une ouverture au savoir
comme cela est une acceptation de l’autre. Civil et civique dans le quotidien
du colocataire qui partage notre destin. S’obliger, à ne gober qu’une seule
et unique nourriture intellectuelle
est un raccourci vers l’avitaminose. Avitaminose!
Pensée
atrophiée. Limitée comme la course vers le scorbut de la connaissance. Courte
distance parcourue vers le Beri-beri de la culture. La rapide marche arrière de
la pensée unique.
À reculons on mélange vitesse d’exécution et excès de précipitation
comme un plaidoyer de la médiocrité. L’apologie de l’ignorance. Le refus
du partage. S’avachir
en n’absorbant que de la luzerne, prélude à un état végétal ou végétatif
en mal de devenir.
Ne
prendre que sa promenade hebdomadaire dans les centres d’achats comme activité
d’adaptation, n’est finalement qu’un excellent prétexte de justifier son
rapport à la modernité par l’assiduité à déambuler. À circuler devant
les devantures des magasins ou dans l’étalage des images de l’écran
cathodique. Le parfait exemple d’un bon élément, actif, quant à se
valoriser par la consommation massive.
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MERCI
A NOS COMMANDITAIRES CARLSON WAGONLIT:EL HACHMI OUMZIL REMBOURRAGE D'ÉLÉGANCE NORDEST VOLKSWAGEM |