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REVISION: 31/01/03


 

 

L’éducation par les coupons proposée par Mario Dumont : Analyse critique

Abdelhak Eddoubi, Ph. D.

 Au cours des dernières semaines, le chef du parti de l’action démocratique, M. Mario Dumont, présente sa vision de l’éducation pour sauver ce secteur de son marasme et propose le système d’éducation par les coupons « Vouchers » comme la Solution miraculeuse qui sauverait le système d’éducation du Québec.

 Depuis que M. Dumont nous présente sa solution magique, j’ai remarqué l’absence d’un débat savant sur le sujet qui, s’il est mis de l’avant, il mettrait fin à toute une politique éducative qui trouve ses racines dans les travaux de la commission royale d’enquête réalisés au début des années soixante et  qui avait donné lieu au fameux rapport Parent, rapport qui est la base du système scolaire québécois actuel.

 En 1996, dans le cadre de mes études doctorales, j’ai eu l’occasion de réaliser des études sur les modes alternatifs de financement des services publics et j’ai abordé dans le cadre de mes travaux, la question des coupons «Vouchers » comme moyen de financer l’éducation.  

 Aux lecteurs de Maghreb Canada, il me fait plaisir de présenter ce mode alternatif de financement de l’éducation que M. Mario Dumont nous présente comme le moyen qui  sauverait notre système éducatif et permettrait même de réaliser, selon ses estimations, des économies de 350 millions de dollars.

 Qu’est ce que l’éducation par les coupons que M. Dumont voudrait nous imposer ?

 Avec un système d’éducation par les coupons, au lieu de prendre directement en charge le financement des écoles, le gouvernement émet des certificats monnayables qu’il remettrait aux parents et qui vont leur permettre d’éduquer leurs enfants dans l’école de leur choix. Chaque école devra restituer les certificats au gouvernent pour se faire payer. L’objectif de l’institution de ce système serait de mettre fin au monopole de l’état sur le secteur de l’éducation par la création d’un marché à la fois concurrentiel et compétitif.

 Ceux qui plaident en faveur de ce système disent que ce mode de financement conduit à l’amélioration de la qualité de l’enseignement et permettrait aux familles une liberté dans le choix des écoles pour l’éducation de leurs enfants.

 Plusieurs modèles de coupons ont été proposés. Nous discutons dans ce qui suit certains modèles qui sont présentés dans l’ouvrage de Lindelow (1980) intitulé Educational Vouchers et nous faisons une évaluation de ces modèles.

 a- Le modèle de Milton Friedman

Considéré comme le gourou dans ce domaine et un grand partisan du néolibéralisme, Friedman voulait mettre fin à l’intervention de l’État dans le secteur de l’éducation. Pour Friedman, chaque enfant en âge de scolarisation devrait recevoir un coupon dont la valeur serait égale à la dépense scolaire moyenne par élève de la région où il réside. Dans ce modèle, les écoles peuvent fixer librement le montant de leurs frais de scolarité et les parents sont, eux aussi, libres de dépasser ou non la valeur des coupons. En cas de dépassement, ils devraient supporter, eux-mêmes, la différence. Afin de prévenir la fraude et une mauvaise qualité de l’éducation, les écoles devraient obtenir au préalable un certificat auprès d’une agence gouvernementale. Les écoles qui offrent une mauvaise qualité d’éducation devraient normalement être éliminées de ce programme.

Pour Friedman, le modèle de coupons devrait s’appliquer à toutes les écoles qu’elles soient publiques ou privées. Il admet cependant que la participation de ces dernières entraîne une hausse des coûts de l’éducation. Mais, selon lui,  cette hausse des coûts met fin à l’inéquité qui résulte de l’utilisation des impôts pour éduquer certains enfants au détriment d’autres enfants. Pour faire face à cette hausse du coût du système, Friedman préconise la réduction de la valeur des coupons et la mise à contribution des parents pour le financement de l’éducation de leurs enfants.

À bien y penser, le modèle de coupons de Friedman conduit à une grande disparité des coûts de l’éducation entre les districts scolaires en raison même du principe fondamental qu’il défend : la promotion d’une société libre. L’objectif social premier de cet économiste est la liberté de choix et non l’équité.           

 b- Le modèle de Sizer et Whitten

Pour ces auteurs, chaque famille dont le revenu est en dessous du revenu national moyen devrait recevoir un coupon pour chaque enfant en âge scolaire. Ce faisant, la valeur de chaque coupon devrait varier en fonction du revenu familial. Dans ce modèle, le système scolaire devrait rester intact sauf que les écoles privées auraient l’obligation d’accepter les enfants pauvres puisqu’elles recevraient des coupons de l’État.

L’objectif de ce modèle est d’assurer une certaine équité en donnant la chance aux enfants issus de milieux défavorisés d’accéder à l’ensemble du réseau scolaire.

 c- Le modèle de Coons et Sugarman

C’est sans doute le modèle qui suscité le plus d’intérêt du gouvernement de la Californie. Le modèle de Coons-Sugarman, appelé aussi Family Choice, est basé sur la proposition voulant que la qualité de l’éducation soit en fonction de la richesse nationale. Dans ce modèle, chaque famille est libre de choisir l’école qui conviendrait le mieux à l’éducation de ses enfants (publique ou privée). Les écoles sont, elles aussi, libres de choisir entre quatre niveaux de frais de scolarité préalablement déterminés. Le niveau de taxation devrait alors tenir compte à la fois de ces quatre niveaux de scolarité et du revenu familial.    

 Évaluation des modèles proposés

 Malgré que tous les modèles de coupons plaident en faveur de la liberté de choix et à la création d’un système d’éducation soumis aux lois du marché, plusieurs zones d’ombre ont laissé planer un doute quant à leur efficacité comme mode de financement du système scolaire aux États-Unis. Parmi les difficultés soulevées par ce mode de financement, la première concerne la participation des écoles. Le système des coupons devrait-il couvrir les écoles publiques et privées ou doit-il se limiter uniquement aux écoles publiques ? Dans l’affirmative, est ce qu’il n’y a pas ici une limitation au principe du marché en concurrence pure et parfaite ?

 La deuxième difficulté concerne la qualité de l’éducation. Lors de la mise en place d’un tel système, devrait-on imposer aux écoles un minimum de connaissances à inculquer aux élèves. Si oui, quel sera ce niveau minimal ? Et au-delà de cette exigence, l’autorité centrale devrait-elle être concernée par les questions d’ordre moral et d’éthique dans chaque école ?

 Enfin, est ce que le montant des coupons remis aux parents devrait tenir compte du niveau de richesse des citoyens ? Si les écoles doivent charger un montant qui dépasse la valeur des coupons, qui devrait payer pour la différence, les parents ou le gouvernement ?

 Au nom de la liberté, l’équité devrait être sacrifiée. C’est la recette que nous propose M. Dumont pour sauver le système scolaire québécois, fruit de travaux qui datent depuis l’époque de la révolution tranquille.

 En écoutant le discours de M. Dumont, j’ai envie de lui demander deux questions question.

 1. Comment M. Dumont envisage-t-il appliquer le système d’éducation par les coupons dans les petits villages ou les régions éloignées? Là où les coupons ne pourraient pas attirer la concurrence, je verrai mal un investisseur aller créer une école dans une région à faible densité de la population.

 À mon avis, l’obligation de maintien de la dernière école publique dans les régions éloignées pour des raisons évidentes constitue un argument de poids pour contrer le discours populiste adéquistes.

2. Au nom de la liberté de choix qu’est ce M. Dumont entreprendrait-il comme action pour empêcher les raéliens ou n’importe quelle autre secte de fonder sa propre école pour éduquer les enfants de ses adeptes avec des coupons financés à même l’argent de nos impôts ?  

 

 

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